« Le désir d’une vie pleinement déployée »
« Le désir d’une vie pleinement déployée »
Pourtant je ne suis pas comme Obélix, je ne suis pas tombée dans la marmite de la vie religieuse quand j’étais toute petite ! L’idée de devenir religieuse ne m’était même pas passée dans la tête avant qu’un ami, séminariste, avec qui j’accompagnais une équipe de jeunes sur la paroisse me lance un jour : « Sophie, est-ce que tu as pensé à la vie religieuse ? » La réponse immédiate a été : « Ben, non ! » Mais ensuite je me suis rendue compte que je ne pouvais pas faire comme si je n’avais pas entendu cette petite phrase. J’avais 22 ou 23 ans, j’étais en train de faire des études de maths à la fac, j’avais un bon groupe d’amis, avec la paroisse nous projetions d’aller à Saint-Jacques de Compostelle pour les JMJ. Je me serais bien vue mariée avec une petite ribambelle d’enfants.
Petite je suis quand même tombée dans une potion magique qui avait les saveurs suivantes :
– Dans le fond de la marmite, il y avait l’expérience d’être aimée, comme je suis.
– Dans la sauce de base, il y avait l’assurance et l’expérience que je peux parler à Jésus comme à un ami, lui raconter ce qui fait ma vie… une expérience que j’ai redécouverte bien plus tard, lors d’une marche-pèlerinage avec le réseau jeunesse ignatien.
– Pour lier la sauce, il y avait l’expérience de la fratrie avec mes quatre frères et sœurs, et les nombreux cousins.
Une potion au goût des jeux et des rires partagés, de la porte ouverte en particulier pour les groupes d’ACE (Action catholique des enfants), une potion parfumée à l’air de la montagne et des grandes marches.
Au fil des ans, j’ai pu rajouter aussi quelques ingrédients, le sel de l’autonomie en apprenant à dire « je », le goût pour l’enseignement et le désir de devenir prof en Lycée, la saveur de quelques fortes amitiés, l’expérience de la force et de la fragilité de la vie, en particulier au contact d’une amie pleine de vie dans son fauteuil roulant.
Je me suis bagarrée en Église et à l’intérieur de moi, avec cette représentation de la vie religieuse comme « le top », les yeux qui deviennent admiratifs quand j’ai commencé à dire que je pensais à cette vie.
Au fond de moi, il y avait seulement cette assurance : « Je suis venu pour que vous ayez la vie, et que vous l’ayez en abondance » (Jn 10, 10) et ce désir de vivre, vraiment, pleinement, désir d’une vie déployée.
Une autre phrase de l’Évangile m’a percutée : « vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10, 8) m’invitant à ouvrir les mains pour accueillir la vie, la joie, et pour les donner.
Aussi, le titre d’une brochure présentant les Religieuses du Sacré-Cœur a fait tilt : « Parce que Dieu est amour… Religieuse du Sacré-Cœur ». De plus le peu que je connaissais d’elles m’avait fait apercevoir que là, avec ces sœurs, ma vie pourrait être réponse joyeuse à cet amour de Dieu pour moi.
Mon « oui » date de ce jour-là. Il est enraciné dans cette expérience. Maintenant presque quinze ans après, ce « oui » a été confirmé, il a pris le poids des ans, il est plus dense, mais il n’a pas pris une ride. Ce « oui » je le redis tous les jours, auprès des lycéens avec qui je travaille, en communauté, en Église. Un « oui » pour découvrir cet amour de Dieu et un « oui » pour que cet amour soit l’ingrédient fondamental de la potion magique ! Une potion à partager largement, sans modération !