Témoignage de Chantal

Chantal
Chantal

« Un appel à tout quitter pour suivre Jésus »

Récit de vocation

Toute petite, j’aimais prier le « Petit Jésus ». Il était déjà mon ami. En famille la prière du soir, très longue, ne m’ennuyait pas contrairement à mes autres frères et sœurs. À 6 ans, j’ai fait ma première communion après des semaines d’efforts pour être sage, de petits sacrifices, de prières, qui étaient tous notés sur une feuille spéciale que j’ai offerte au « Bon Jésus » ce jour-là !

L’année suivante, ma sœur aînée à 19 ans se préparait à entrer au noviciat des Religieuses de Nazareth. Sans le savoir ni le vouloir, elle m’a peut-être un peu passé son virus ! Celui de « tout donner à Jésus ». Lors d’une visite en famille à la Chartreuse de Nonenque dans l’Aveyron, la sœur tourière s’est exclamée publiquement : « cette petite sera religieuse comme sa grande sœur ! ». J’ai été furieuse contre elle. Comment avait-elle pu deviner, puis dévoiler mon secret publiquement ? À 10 ans, une autre parole entendue a été perçue comme une violation de ma vie avec Jésus. En revenant d’une messe et courant dans le pré, j’ai entendu Maman murmurer à une amie de la famille : « oh ! Chantal, elle fera comme sa sœur Odette ». Ce secret de mon cœur, si bien gardé pour Jésus seul se divulguait à mon encontre !

Mon adolescence aurait pu faire taire cet appel précoce. Mais j’avais une amie qui, elle aussi, pensait à la vie religieuse, sans que nous en parlions du tout entre nous. Elle m’a fort aidée pour approfondir ma vie de foi et de prière. C’est à 16 ans, lors d’une rencontre avec un prêtre, ami de la famille, que j’ai enfin pu confier cet appel à tout quitter pour Jésus, Celui qui me talonnait depuis longtemps.

Au Sacré-Cœur, de 1934 à 1942, j’ai découvert la richesse de cœur des Mères et des Sœurs. Chacune avec sa personnalité m’a beaucoup apporté. La maîtresse générale était pour moi l’image de la tendresse du Cœur de Jésus, mais combien d’autres m’ont aussi aidée à affermir l’appel reçu dans mon enfance, par leur délicatesse, leur patience, le rayonnement de leur vie de prière, d’entraide et de vraie charité !

Un livre « Si vis ? » (si tu veux ?) lu et relu, m’a sûrement permis de réfléchir sur la liberté que j’avais face à cet appel indéniable qui semblait couler de source. Mais j’ajoute que le choix de la Congrégation ne s’est même pas présenté à moi. Le Sacré-Cœur, c’était évident, serait ma famille religieuse dès que j’aurai atteint l’âge de 20 ans, date proposée par mon accompagnateur qui, je le reconnais aujourd’hui, était quelque peu directif ! Un seul bémol à mon engagement reposait sur ma crainte de ne pas être capable de « faire la classe », comme l’on disait alors, vue mon instruction interrompue au cours de la seconde par une atteinte pulmonaire, puis à cause des privations de la guerre.

Le scoutisme a été un autre lieu de préparation à cet engagement de « tout quitter ». En tant que cheftaine de louveteaux, dès l’âge de 17 ans, et recevant rapidement la responsabilité d’une meute de 24 garçons, j’ai bénéficié d’une formation très forte que je regarde maintenant comme un pré-noviciat, tellement j’ai reçu d’aide pour assumer les exigences de cette charge auprès des enfants. Nous étions en plein dans les années de disette due à l’occupation allemande.

Alors, comment expliquer « ma vocation » ? Cette seule parole de Jésus me paraît suffire :
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous est choisie » ! et je ne trouve pas d’autre réponse à cette question ! Pourquoi m’a-t-il offert ces multitudes de richesses familiales qui m’ont permis d’entendre ce « si tu veux » ? Si tôt, et si régulier dans mon cheminement d’enfant, d’adolescente et de jeune fille ? Pourquoi, malgré toutes mes insuffisances sur le plan des études inachevées, ai-je été « acceptée » dans une Congrégation, dont la mission d’éducatrice demandait des professeurs plus qualifiés ? Pourquoi ce « oui » définitif dans mon cœur, dès la porte du noviciat franchie, alors que les exigences de la vie, alors cloîtrée des Religieuses du Sacré-Cœur de Jésus, et la séparation presque totale d’avec les siens qui était exigée, me paraissaient être presque insurmontables ? Jésus avait frappé et Lui-même me donnait alors et sa force et sa joie pour Le suivre envers et contre tout ;

Soixante-huit années se sont succédées depuis ce 27 juin 1946, veille de la fête du Sacré-Cœur, quand j’entrais au noviciat. Soixante-huit années de grâces c’est évident, mais aussi combien, jonchées de sacrifices énormes, de nuit, de piétinement dans les années préconciliaires, de désirs de meilleures insertions pour poursuivre les différentes missions qui se sont succédées durant toute ma vie active.
Après ces années, je puis l’affirmer grâce à la Fidélité du Seigneur, c’est la Joie, la Paix, qui m’habitent et l’Action de Grâce qui jaillit d’elle-même bien souvent avec la parole de Paul : « Ma grâce te suffit ».

Chantal de Clock, rscj