Témoignages de témoins directs relatifs à la mort et à la canonisation de sainte Madeleine-Sophie Barat

De son vivant, Madeleine-Sophie, du fond de son humilité, était déjà considérée comme une sainte.

Adèle Cahier, religieuse du Sacré-Coeur qui a vécu et servi de nombreuses années avec Madeleine-Sophie comme secrétaire générale le relate :

« Un grand vicaire de Bourges, M. l’abbé Michaud eut, en 1848, un long entretien avec la Mère générale qu’il ne connaissait pas. […] L’humilité de la mère Barat frappa d’autant plus cet ecclésiastique qu’il venait de mieux apprécier ses rares qualités. Aussi ne tarissait-il pas sur son éloge : ‘J’avais peine à croire tout ce que l’on m’en avait dit, répétait-il, mais ce n’était rien en comparaison de ce que j’ai vu et entendu’. Peu de temps après il disait à un ecclésiastique qui visitait la maison : ‘Si vous étiez venu quelques jours plus tôt ; vous auriez vu la vénérable fondatrice de la Congrégation ; femme supérieure, d’un mérite extraordinaire, une sainte… Que vous en dirais-je, mon cher ? Nous avions sous les yeux une relique vivante…’. » AC II, p. 596

Jusqu’au bout, Madeleine-Sophie a vécu en union profonde avec le Cœur eucharistique de Jésus.

Pauline Perdrau, religieuse du Sacré-Cœur auteure de la fresque de Mère Admirable, a elle aussi côtoyé de près et dans la durée Madeleine-Sophie. Elle témoigne de la dernière communion de Madeleine-Sophie.

Après Pâques 1865, donc quelques semaines avant sa mort, après avoir fait appeler les premières communiantes, Madeleine-Sophie leur avait parlé de l’éternité bienheureuse comme d’une « première communion permanente ». PP I, p. 478

« Le Mercredi 24 Mai, c’est mon tour de veiller la vénérable Mère Générale toujours immobile, sans parole. À 5 heures du matin une Messe sonne, je laisse Sœur Honorine et je vais à la chapelle : aussitôt que j’ai reçu Notre-Seigneur j’ai la pensée de L’apporter à ma bien aimée Mère pour que son attouchement immédiat la fasse tressaillir de vie. Je me penche sur elle, je mets sa main sur ma poitrine : ‘Il est là, lui dis-je, Jésus-Eucharistie vous visite, je vous L’apporte, je viens de communier,. Ses lèvres s’agitent… ‘Si vous me comprenez, ma Mère, pressez-moi’ et la main qui était sur mon coeur pousse avec force ma pèlerine… Quel moment ! C’était du Ciel ! il dure encore. * […] Le jour de l’Ascension est arrivé, Notre Mère doit quitter la terre… on le pense. […]

Le 25 au soir Notre Mère se réveille un peu ; mais elle est livide, l’aurore éternelle va s’ouvrir… À 2 heures du matin on vient au dortoir des enfants me chercher pour essayer de faire à la lampe, une mine de plomb de notre vénérée défunte, depuis 11 heures et demi elle a passé en Dieu et elle est radieuse… c’est bien vrai ! Tout est disposé pour favoriser ce filial projet : j’essuie mes yeux voilés d’eau, on dit le Veni Sancte [hymne à l’Esprit-Saint]. Je travaille en vain, je recommence et de 2 heures à 5 heures mon crayon ne trace rien qui vaille… […] *À 5 heures je déclare que je suis confuse, désolée, et je demande le meilleur photographe, Derdery, boulevard des Italiens. À 7 heures ses machines sont dressées et il obtient ces belles épreuves qui portèrent dans les deux mondes ce qui est resté de plus ressemblant d’une Mère, qui n’avait jamais consenti à laisser faire un portrait, désiré par des milliers de filles et d’enfants. La R. Mère Cahier essaya en vain, avec la persévérance dont elle était douée, d’obtenir quelques traits de ressemblance dans de nombreux portraits tous plus imparfaits les uns que les autres. En sorte que la Société ne possède rien qui reproduise artistement, les traits vénérables de Notre T. R. Mère Barat, Notre Fondatrice. » PP I, p. 490-492

Aussitôt après son décès, la présence de Madeleine-Sophie a été perçue.

Accueillons le témoignage d’Adèle Cahier, dans les dernières lignes de la biographie qu’elle a écrite sur Madeleine-Sophie. Devançant avec respect et conviction la proclamation de l’Église, Madeleine-Sophie a de suite été invoquée comme une sainte partout à travers le monde, notamment par les pauvres qui étaient ses privilégiés. Des conversions, des faveurs spirituelles et des guérisons ont été constatées.

« L’influence de la Mère Barat avait exercé sur sa famille religieuse, ne devait pas cesser avec sa vie. Lorsqu’elle eût disparu du milieu de ses filles, sa présence leur devint en quelque sorte plus sensible ; elles crurent voir son regard s’étendre sans obstacle sur chacune, pénétrer plus librement dans leur âme ; leur première pensée fut de se montrer dignes d’elle.

[…] Elles sentaient que sa protection ne pouvait manquer à son œuvre, que, plus puissante désormais sur le Cœur divin qu’elle avait tant aimé, elle continuerait plus efficacement sa mission. Si les règles que la prudence de l’Eglise impose à ses enfants, placent des bornes à l’expansion de la tendance qui les porte à l’invoquer, elles n’en mettent point à une confiance que le ciel s’est plu à justifier en mille occasions. La chambre où la mère Barat a rendu le dernier soupir, est devenue un oratoire dédié au sacré Cœur de Jésus ; là, on va s’agenouiller devant la pieuse image du Sauveur, répéter cette invocation ou *autre semblable : ‘Cœur de Jésus doux et humble, glorifiez, glorifiez votre fidèle servante en nous accordant la grâce que nous sollicitions, et rendez nos cœurs conformes au vôtre’. Après avoir médité les enseignements tant de fois entendus qu’elle rappelle, on se relève avec un nouveau courage pour les mettre en pratique. Le caveau de Conflans est un lieu de pèlerinage ; religieuses et enfants aiment à le visiter, à prier auprès de la tombe chérie.

Ce sentiment qui porte à invoquer ceux dont la vie a laissé de si saints souvenirs, ne s’est pas manifesté seulement dans la Congrégation à l’égard de la Mère Barat ; tel a été, nous pouvons l’attester, le cri général : ‘C’est une sainte ! prions-la !’ Le photographe ne suffisait pas à reproduire ses traits pris sur le lit funèbre, tant étaient nombreuses les personnes qui voulaient les conserver et les vénérer. Un de ces portraits ayant été envoyé aux Sœurs arabes du Sacré-Cœur à Zahleh, son arrivée provoqua une exclamation de bonheur. On le fit passer de main en main, et le considérant avec attention, chacune faisait ses réflexions : Elle était ferme, disaient les unes ; elle était bonne, ajoutaient les autres. Toutes s’écriaient : C’est une sainte ! et baisaient respectueusement les mains de leur Mère adoptive. Le tableau fut suspendu au mur de la salle de communauté.

De toutes parts on réclamait quelque objet qui eût été à l’usage de la défunte ; on demandait que nous fissions des neuvaines, et que de grâces ont répondu à cette confiance ! Nous ne devons, nous ne voulons pas devancer le jugement de l’Eglise, mais pourrions-nous garder le silence sans manquer de gratitude ?

Les privilégiés de la mère Barat, les pauvres, ne furent pas les derniers à l’invoquer dans leurs afflictions et leurs nécessités ; ils ne tarissaient pas en racontant ce qu’ils devaient à leur bienfaitrice. De toutes les classes, et de divers pays nous sont venus des relations, des témoignages de reconnaissance pour des grâces obtenues : ce sont des conversions, des faveurs spirituelles et des guérisons dont le bruit nous arrive comme un écho de cette admirable vie. En face de l’image vénérée. » AC II, p. 670-671

En 1893, lors de  requise en vue de béatification, le corps de Madeleine-Sophie a été retl’exhumationrouvé intact, non corrompu, alors que le cercueil était en état de délabrement, imbibé d’humidité.

« En 1894 je me permets de me placer vingt-huit ans plus tard que ce douloureux 29 mai 1865 ; au 26 octobre 1893, que vois-je [dit Pauline Perdrau face au caveau de Madeleine-Sophie] ? La Sainte Église qui exalte *les humbles épouses du Christ parfois ostensiblement, a déclaré Vénérable la Fondatrice de la Société du Sacré-Cœur. Elle en est aux enquêtes d’un tribunal ecclésiastique pour sa béatification.

Le premier caveau a été descellé le 2 Octobre 1893, devant le cardinal archevêque de Paris, le promoteur de la foi du tribunal présent, ainsi que la T. R. Mère Lehon [supérieure générale], ses Assistantes générales et quelques Vicaires de France désignées. Le caveau ouvert est tellement humide qu’un cercueil vermoulu ne présente au premier aspect qu’un amas de bois plein de moisissure ; on ne peut retirer qu’une bière démolie et cordée, déposée sur une civière que quatre prêtres portent à la chapelle au-dessus des tombeaux. Par les crevasses, des copeaux, de la sciure se répandent à terre. Mise dans un cercueil ordinaire sans être doublé de plomb, la Mère Fondatrice, amante de dame Pauvreté, a donc été enterrée dans les mêmes conditions que ses filles ?

Oui, dans les pauvres habits, avec une pèlerine doublée de lustrine, son précieux corps entouré de sciure, consolidé par des copeaux, dans de vieux linceuls, sans croix d’argent ni anneau d’or, a été retrouvé ossata humilata [os humiliés]; à l’étonnement des membres du clergé, c’est constaté, admiré et reconnu providentiel. Et que vois-je ? *Le 26 Octobre, dans un caveau supérieur dans la chapelle même des Sept-Douleurs, on descend un beau cercueil capitonné de satin blanc ; le corps de la Vénérable conservé intégralement, revêtu d’habits neufs, d’insignes religieux, croix et anneau, a été enseveli de nouveau sous enveloppe de plomb, sceau de l’archevêché, dans l’espérance d’un prochain Exaltavit humiles [Il élève les humbles] catholique, apostolique, romain. » PP II, p. 332-334

Une statue de Madeleine-Sophie Barat à Saint-Pierre de Rome ?

À l’issue de l’audience accordée par Pie XI à la Société du Sacré-Cœur le 7 novembre 1922 la délégation du conseil général escomptant une prochaine canonisation de Madeleine-Sophie, déambule dans la basilique de Saint-Pierre en espérant qu’un jour on y verra la statue de Madeleine-Sophie ?

« Aussitôt l’audience terminée […] notre Mère [de Loë, supérieure générale] conduisit les autres révérendes Mères à Saint Pierre, où toutes présentaient à l’envi leur reconnaissance, à Notre Seigneur dans la chapelle du Saint Sacrement, à Saint Pierre en lui baisant le pied et s’agenouillant à la Confession. On fit le tour de la basilique, admirant une fois de plus les splendeurs et les chefs-d’œuvre, rappelant les souvenirs de la Béatification de notre Mère Fondatrice, escomptant les gloires de sa Canonisation, et souhaitant la voir apparaître dans une des grandes niches qui *attendent encore les saints Fondateurs ou saintes Fondatrices. » Mlo p. 126-127

Le souhait a été exaucé : depuis 1934, Madeleine-Sophie, représentée par la statue sculptée par Enrico Quattrini, accueille les pèlerins du haut de sa niche située dans la nef de la basilique, au-dessus de la sainte qui lui était si chère : sainte Thérèse d’Avila.

En 1923, la supérieure générale, Mère de Loë, invite toute la congrégation à continuer de se préparer à l’évènement de la canonisation en relisant la vie et les écrits de Madeleine-Sophie.

Déjà, le 7 novembre 1922 Mère de Loë avait partagé à la congrégation que « les encourageantes visites que notre vénéré Protecteur et Monseigneur Virili, Postulateur de nos Causes, nous ont faites, laissent entrevoir comme presque certaine la canonisation de notre Bienheureuse Fondatrice pour l’année jubilaire 1925 » (MLo 118), incitant à s’y préparer en étudiant l’esprit de Madeleine-Sophie. Le 10 novembre 1923 elle précise l’objet de cette préparation intérieure. « Je prie nos dignes Mères supérieures, toutes si *zélées et si bonnes, de faire relire à leur communauté les passages de la vie et des écrits de notre Bienheureuse Mère, qui nous inculquent l’humilité et la charité d’une manière spéciale […] que nous réalisions avant la Canonisation de réels progrès dans ces deux vertus chères au Cœur de Jésus et de son humble Servante. » MLo 10 novembre 1923, p. 142-143

Le 18 janvier 1924, Mère de Loë constate que la congrégation a répondu.

« Je ne suis pas moins émue en constatant par les lettres qui me parviennent de tous les points du globe, avec quelle ferveur unanime nos familles se prêtent aux propositions faites dans ma dernière circulaire pour nous préparer au triomphe de notre humble Mère Fondatrice. Pour ne pas laisser les bonnes volontés, nous avons décidé dans nos maisons romaines de faire avec une grande ferveur une neuvaine à notre Bienheureuse du 16 au 25 de chaque mois [le 25 mai sera en 1925 établi au calendrier romain comme jour de la fête de Madeleine-Sophie canonisée le 24 mai 1925] et de prendre pour pratique un des points concernant l’humilité ou la charité, qui ont déjà été proposés. » MLo p. 147

Le 29 décembre 1924, Mgr Virili, postulateur de la cause de canonisation, présente au pape Pie XI les vertus qui caractérisent Madeleine-Sophie : l’humilité et la charité.

« Mais quel fut le secret de sa grandeur, quelle fut la base de son apostolat ? L’humilité […]. Telle fut la vertu caractéristique que la Bienheureuse posa au fondement de son Institut, commençant à la pratiquer elle-même à un degré héroïque : ‘Je ne serai jamais une grande sainte’, répétait-elle souvent [phrase qu’elle avait prononcée jeune en rétorquant à son frère Louis cf. AC II, p. 570 « On n’a oublié ni les paroles de l’abbé Barat disant à sa sœur qu’elle ne serait jamais une grande sainte, ni la réponse de la jeune Sophie : ‘Je me vengerai en étant bien humble et je m’appliquerai à l’humilité comme à ma seule ressource pour plaire au Seigneur’. »], ‘mais je me vengerai en étant bien humble’. De cette humilité, sorte de pressoir mystique où l’être est comme écrasé par le sentiment de la bonté divine, jaillit l’amour ardent qui brûla toujours en elle pour le Cœur de Jésus.

Le Cœur de Jésus fut son *idéal ; la gloire de ce Divin Cœur fut la mission de sa vie, et c’est pour Le glorifier qu’elle a tant prié, travaillé, lutté et souffert pendants les soixante-trois années de son gouvernement, prenant pour devise : Cor unum et anima una in Corde Jesu [Un seul Cœur et une seule âme dans le Cœur de Jésus].

De ce Cœur, Madeleine-Sophie tira le feu de charité que le Fils de Dieu est venu apporter sur la terre et qui ne s’éteignit jamais en elle mais brûla toujours plus vif, spécialement dans l’éducation chrétienne dans la jeunesse qu’elle eut tant à cœur.

Sa joie était de se voir entourée des petits, à l’exemple du Divin Maître : ‘Sinite parvulos venir ad me’ [‘Laisser venir à moi les petits enfants’]. Mais cette joie et cette ardeur n’était pas exemptes de souffrance et de croix : ‘Vivre sans souffrir, c’est vivre sans aimer ; vivre sans aimer, c’est mourir’. Ainsi s’exprimait-elle souvent. Pour aller au Coeur de Jésus, il est nécessaire de passer par la croix : ‘Per crucem ad cor Jesu’ [Par la croix vers le Coeur de Jésus’]. Cette héroïne de la charité protège ses filles, leur enseignant à chercher à son exemple, « non les consolations de Dieu, mais le Dieu des consolations. » (Mgr Virili, Lecture du Décret sur les Miracles de la Bienheureuse Madeleine-Sophie, in Mlo p.168-169)

Quinze jours après, le 18 janvier 1925, fête de la Chaire de Saint Pierre, Mère de Loë annonce à la congrégation la date de la canonisation.

« Aujourd’hui il m’est enfin donné de vous annoncer la date de la canonisation de notre Bienheureuse Mère, que le Saint père a fixée au 24 mai. […] Nos révérendes Mères vicaires sont déjà invitées aux belles fêtes de la canonisation avec au moins trois compagnes, comme députation de la vicairie. Combien nous aurions été heureuses de vous avoir toutes présentes, mes biens chères Mères et Sœurs ! Vous en comprenez l’impossibilité. Les places sont limitées, même à Saint-Pierre, plus encore dans nos trois maisons [romaines : Villa Lante, Trinité-des-Monts, Maison-Mère], si heureuses de vous recevoir. » MLo p. 183.187

Le 24 mai 1925, la basilique Saint Pierre est comble, la joie déborde lors de la procession d’entrée.

« Soudain retentit un tonnerre d’applaudissements : ‘C’est le Pape’, dit notre très Révérende Mère, – Non è il Papa, è la Santa ! [Ce n’est pas le pape, c’est la sainte !] En effet, voici l’étendard de Sainte Madeleine-Sophie qui s’avance au milieu des applaudissements enthousiastes de ses Filles et des enfants ; une face la représente dans la gloire ; l’autre, au milieu des petits enfants du Transtévère, scène pittoresque, heureusement inspirée. La Sacrée Congrégation des Rites précède immédiatement ; quatre descendants *de la famille de notre Sainte Mère portent les glands de l’étendard ; un groupe de la Compagnie de Jésus lui forme cortège d’honneur et le conduit jusqu’à la colonne de droite où il est appuyé. C’est un moment indicible ! Les ovations ne cessent point durant sa marche ; elles redoublent en traversant les groupes des élèves du Sacré-Cœur ; celles-ci battent des mains, trépignent ; quelques-unes bondissent comme pour l’atteindre. L’émotion des religieuses, moins expressive, est plus profonde encore ; elle étreint les cœurs et fait monter les larmes aux yeux. » MLo p. 214-215

Cette joie explose lors du Te Deum chanté juste après que le pape Pie XI ait prononcé la sentence de canonisation

« Alors le Te Deum est entonné par le Pape, continué par les chantres auxquels *s’unissent les voix et les cœurs. En même temps, retentissent les fanfares placées dans la coupole ; les cloches de la basilique Vaticane donnent le signal auquel répond le joyeux carillon de toutes les église de Rome, annonçant la bonne nouvelle de la canonisation. » MLo p. 219-220

Elle demeure lors de la procession de sortie.

« Tout est fini ; le Saint Père, retourné à l’autel, a achevé le Saint Sacrifice, donné la Bénédiction Pontificale et, après son action de grâces, remonte sur la Sedia [chaise à porteurs, papamobile de l’époque]. […] Sa garde d’honneur l’entoure de nouveau ; de nouveau aussi, la foule exulte sur son passage comme en un saint délire ; elle ne sait plus contenir son amour et son enthousiasme et, cette fois, éclate en vivats et en acclamations.

On voit, spectacle inédit, des flots de tulle blanc, de rubans bleus, roses, verts, de nos enfants s’agiter dans les airs comme des signaux de joie ; nos anciennes, à défaut de rubans, prennent leurs mouchoirs. » MLo 229-230

Étaient aussi présents l’abbé Pernot et l’abbé Dusaussoy, descendants de la famille Barat, ainsi que le curé de l’église Saint Thibault (Joigny) où Madeleine-Sophie a été baptisée. (MLo p. 232)

La fête se poursuit ensuite le soir dans tout Rome.

« À la tombée de la nuit, le nom SANCTA MAGDALENA SOPHIA se lisait en lettres de feu à la grande porte d’entrée sur la Via Nomentana [où se trouvait la Maison Mère]. De même, au faîte du belvédère [qui domine Rome au-dessus de la Villa Lante] les initiales M. S. et S. C. resplendissaient autour de la croix lumineuse. L’illumination de la Villa Lante réjouissait le Transtévère. Celle de la Trinité-du-Mont rivalisait en splendeur, a-t-on dit, avec la Basilique Vaticane, et soixante-quinze fois le Saint Sacrifice fut offert sur ses quinze autels, au matin du 25 mai, première fête de SAINTE Madeleine-Sophie. » ML p. 231

Le lendemain, le 26 mai, l’explosion de joie continue, lors de l’audience papale aux religieuses et enfants du Sacré-Cœur.

« Le 26 Mai fut une magnifique prolongation de la fête et le plus beau jour de l’octave. A cinq heures du soir, cette fois, automobiles et trams transportaient à peu près toute la maison mère, la Trinité et la Villa Lante au Vatican, où le Pape voulait bien donner audience aux Filles et aux enfants de Sainte Madeleine-Sophie, au retour de sa promenade quotidienne, c’est-à-dire vers six heures […]

*L’audience accordée par Sa Sainteté Pie XI aux enfants du Sacré-Cœur devait suivre celle des religieuses et avoir lieu dans la cour de Saint Damase. Le temps pluvieux fit modifier ce dernier projet et l’immense salle des béatifications, bâtie au-dessus et à la mesure des portiques de Saint Pierre, dut remplacer la grande cour. Malgré ses cent-dix mètres de longueur sur quinze de largeur, cette salle eut peine à contenir les milliers de personnes qui affluèrent longtemps avant l’heure.

Au centre, une double haie de *gardes suisses traçait le parcours de Sa Sainteté ; à droite, le flot pressé des mantilles noires : anciennes élèves, Enfants de marie, montrant toutes la chère médaille ; on la voyait aussi briller sur la poitrine d’un groupe de religieuses de divers Ordres ; à gauche, les enfants de nos pensionnats qui formaient à perte de vue des lignes blanches ondulant comme un champ de lys. Le coup d’œil était charmant. Des camériers organisateurs allaient et venaient pour ranger, à leur gré, la multitude très animée des deux côtés. L’un d’eux, fort intéressé par cette réunion inaccoutumée, dit aux Mères présentes : ‘Faites chanter pour que le calme se fasse’. Les voyant hésiter, il s’en chargea et bientôt mille voix répétèrent ce cantique ; ‘J’irai voir un jour, au ciel dans la patrie’, pendant que le bon camérier, placé au milieu, battait la mesure avec une satisfaction rayonnante. […]

*L’attente se prolongeait ; il était plus de sept heures quand un avant-coureur du cortège se montra. Un respectueux et solennel silence s’établit par enchantement ; toute la vie passait dans les yeux. Le cortège défila, puis le Saint Père apparut dans sa majesté sereine et souriante. De la Sedia, il dominait la foule et la bénissait. À sa vue, la flamme *des ‘Enfants du Sacré-Cœur, vraies Enfants de l’Eglise’ et du Saint Père, s’échappa comme un jet de feu comprimé ; un tonnerre d’applaudissements, de chauds ’Vivats’ dans toutes les langues résonnèrent sous les hautes voûtes, comme à Saint-Pierre.

Les dames agitaient leurs mouchoirs ; les enfants, leurs rubans bleus, verts ou roses ; l’enthousiasme éclatait de toutes parts et Sa Sainteté passait doucement, comme un Père passe au milieu des siens, les regardant avec une bonté ravissante. Le trône était au fond de la vaste salle ; notre Mère générale et son Conseil se trouvaient au pied de l’estrade, en face des deux représentants de l’épiscopat : Monseigneur Chesnelong, archevêque de Sens, qui possède dans son diocèse la petite ville de Joigny, patrie de notre Sainte, et Monseigneur Lecomte, évêque d’Amiens, berceau de la Société du Sacré-Cœur. Le Pape s’était assis entouré de ses gardes nobles ; Monseigneur Caccia, maître de chambre et Monseigneur Migone, chapelain secret de Sa Sainteté, se tenaient debout à droite et à gauche du trône. Une jeune fille romaine, ancienne élève de la Trinité du Mont, conduite aux pieds de Sa Sainteté par un cérémonier, prit la parole en français, d’une voix claire et expressive, au nom de *toutes les élèves du Sacré-Cœur, absents ou présentes. […]

*Après ces paroles [discours du pape qui répondait à l’adresse de la jeune fille], le Souverain Pontife *descendit de l’estrade, remonta sur la Sedia et traversa la grande salle au milieu d’une ovation qui se prolongea pour les religieuses du Sacré-Cœur quand la blanche vision eut disparu. On criait : ‘Vive notre Mère générale ! Vivent les Mères ! Vivent les Sœurs ! Vive le Sacré-Cœur ! Un garde noble rapporte que Sa Sainteté aurait dit en s’éloignant : ‘Elles font du bruit, mais elles me vont au cœur !
C’est une des audiences les plus consolantes, les plus cordiales, les plus enthousiastes que j’ai reçues ! » MLo 233.241-243.254-255

De la lettre de Claire Castaing, supérieure générale, adressée à Madeleine-Sophie, communiquée à la famille du Sacré-Cœur à travers le monde, religieuses et laïcs.

Chère Sophie, […]
Je te rappelle que nous célébrons le centenaire de ta canonisation, oh, non pas pour t’encenser, mais pour te laisser inspirer le chemin et les priorités missionnaires de ta « petite Société » aujourd’hui, en réponse aux défis de notre monde béni et brisé. […]
En ce jour de ta fête, je voudrais rendre grâce pour le feu que tu as transmis à tes sœurs et à cette vaste communauté internationale d’enfants, de jeunes, de femmes et d’hommes, qui continuent de
vivre de ton charisme, de cette « grâce reçue pour le bien commun », de ta présence et de ton esprit. Et je te demande instamment d’intercéder pour chacune et chacun de nous afin que par le don total
de nous-mêmes au Cœur de Jésus, nous nous laissions transformer, que par-là, notre créativité apostolique se déploie en réponse aux besoins des jeunes d’aujourd’hui et que de nouvelles ouvrières viennent « apporter le feu » au monde.

Seigneur par l’intercession de ton Fils, de Marie et de Madeleine-Sophie nous te demandons la grâce de :
– Te trouver et Te célébrer dans le quotidien de nos existences, avec leurs ombres et leurs lumières, leurs fragilités et leurs forces ;
– Puiser à la Source vive du Cœur de ton Fils et de prendre soin de notre vie intérieure ;
– Nous laisser transformer par Ton Esprit, éducateur de tous, qui fait toutes choses nouvelles ;
– Suivre généreusement ton Fils dans Sa Mission ;
– Nous unir à Lui et de nous offrir par Amour pour la Vie du monde.
Amen !

Sélectionnés par Claude Deschamps, rscj