« L’amour qui donne à boire » ou « Il faut que ta foi devienne intelligente »
Il faut que ta foi devienne intelligente ! Ce furent les mots de ma supérieure provinciale de l’époque qu’elle m’a adressés au début de ma vie religieuse, suivis d’un envoi en mission : Tu dois encore faire de la théologie ! Ma réaction fut plutôt modérée, car avant mon entrée dans notre congrégation j’avais déjà fait du droit, des sciences politiques et de l’africanologue. Néanmoins, je me suis inscrite au Centre Sèvres des Jésuites à Paris…
Là, j’ai appris, entre autres, que c’est le prophète Osée, qui fut le premier parmi les auteurs de la Bible, qui a mis dans la bouche de Dieu ce mot qui est normalement traduit par « amour » dans les Bibles francophones, et que l’on peut découvrir chez Osée quatre manifestations de cet « amour » : « l’amour conjugal », « l’amour parental », « l’amour pour Dieu » et – à ma grande surprise – ce que l’on peut traduire comme « responsabilité sociale et politique« . Attention – c’était environ 2500 ans avant l’encyclique FRATELLI TUTTI du pape François dans laquelle il traite en profondeur « l’amour politique » !
Cette découverte m’a enchantée, car j’avais toujours une attirance pour le social et la politique, et bien plus tard, lors mes missions dans le monde politique, à l’occasion de nombreuses discussions et conférences publiques, j’ai souvent fait référence à cet « amour » sous forme de responsabilité. Et pas mal d’auditeurs me disaient ensuite qu’ils étaient surpris et que cela leur a donné à penser…
« L’amour qui donne à boire » ou « Puiser aux sources : du prophète Isaïe au pape François »
Le chapitre IV est un immense tour d’horizon historique commençant par une citation du prophète Isaïe (DN 93) suivie d’autres citations de la Bible et d’une grande variété d’extraits d’écrits de femmes et d’hommes canonisés ou non, et il se termine par une invitation du pape François à approfondir la dimension communautaire, sociale et missionnaire de toute dévotion authentique du Cœur du Christ (DN 163).
Ces retour sur l’histoire font ressortir que les intuitions inspirations et réflexions des prophètes, des Evangélistes et d’autres, le resplendissement et la perception et de l’Amour humain et Divin du Cœur de Jésus-Christ ne représentent pas un phénomène où tout est fait graduellement émerger, à des époques différentes, les diverses facette de l’Amour humain et Divin du Cœur de Jésus-Christ.
« L’Amour qui donne à boire » ou « Une brève relecture des petites gorgées au fil du temps »
Ce schéma évolutif, je le retrouve aussi dans ma vie de Religieuse du Sacré-Cœur : Tout ce qui m’a été donné comme connaissance, expérience spirituelle et vie intérieure, n’a pas été déversé sur moi d’un seul coup comme une seau d’eau vive, mais plutôt donné, graduellement au fil du temps, en quantité et en contenu par gorgées adaptées à des situations concrètes, adaptées aux différentes étapes de ma vie et également adaptées à ma personne avec mes propres traits individuels.
Mon point de départ était, comme celui du chapitre IV, la Bible – plus précisément les Evangiles : je voulais savoir qui était ce Jésus de Nazareth. Petit à petit, j’ai donc commencé à contempler et à mieux connaitre la personne de Jésus telle que les Evangélistes l’ont décrite, avec toutes ses facettes : le Jésus lettré et intelligent, le Jésus priant qui comprend Dieu comme son Père, le Jésus observateur et à l’écoute, le Jésus miséricordieux mais aussi celui qui fait des menaces, le Jésus doux mais celui qui peut être rude, le Jésus calme mais aussi celui qui peut se mettre en colère, le Jésus humble mais aussi celui qui provoque, le Jésus affectueux mais aussi sur, le Jésus qui enseigne mais aussi celui qui apprend, le Jésus en compagnie mais aussi le Jésus solitaire, le Jésus qui est allé sans crainte jusqu’au bout de son chemin de vie, de manière conséquente, jusqu’à la fin amère à la croix, etc. Bref, j’ai donc commencé à connaître le « Cœur de Jésus » – son spectre extrêmement riche, et parfois même contradictoire, de ce qui constitue Son amour humain.
Mon parcours personnel est loin d’être terminé : actuellement, je découvre « Jésus le Juif », car après tout, Jésus est né juif et est mort sur la croix en tant que juif et non en tant que chrétien, et cette identité juive a façonné sa vie et son enseignement. Ce que j’apprends me donne de pouvoir approfondir davantage ma relation au Cœur de Jésus.
Dès le début, mes médiations et réflexions sur la personne de Jésus ont été accompagnées par ma prière personnelle. En fait, au noviciat, en plus de ma prière avec les Ecritures Saintes, j’avais une phase que l’on pourrait appeler, avec un clin d’œil, « mystique » : je me sentais immergée au cœur d’une sphère d’amour avec une lumière intense, même affectueuse – une réalité si claire, m’assurant qu’elle ne me quitterait jamais. Ma maîtresse des novices m’avait demandé de faire des relectures et de prendre des notes. C’est ce que j’ai fait, et à un moment donné, tout d’un coup, il m’est aussi venu une expression de l’essentiel : Coeur du Christ : Réalité Divine – présente, concrète et immédiate.
Avec le temps, le « Cœur de Jésus » et le « Cœur du Christ » se sont unifiés pour moi comme deux pièces d’un puzzle qui se complètent et dont aucune n’a de sens sans l’autre. Les Evangiles sont pour moi le lieu de rencontre avec le « Cœur de Jésus » et son amour humain, une source d’orientation et d’inspiration, y compris une source de critères pour la prise de décisions, pour des discernements. Le « Cœur du Christ », toujours présent, un vis-à-vis sensible et accessible sans aucune méditation, est pour moi le lieu de rencontre personnelle avec le Jésus ressuscité, le lieu de notre relation d’amour réciproque qui me permet de m’adresser à la personne de Jésus ressuscité avec tout ce qui fait ma vie (y compris mes questionnements sur les Evangiles et mes doutes de la foi !) et qui me donne de véritables retours, mais qui se fait également entendre ou sentir en moi quand je ne m’y attends pas du tout. Voilà pour moi le « Cœur de Jésus-Christ » !
Ce processus d’unification n’était pas quelque chose que j’ai piloté moi-même, que j’aurais pu piloter moi-même, mais il s’est développé tout seul, et je ne peux l’expliquer que par l’action de l’Esprit Saint – comme l’expriment les Constitutions de notre congrégation : C’est toujours l’Esprit qui transforme (Constituions 73) ou comme le dit le pape François dans l’encyclique LAUDATO SI : l’Esprit, lien infini d’amour (LS 239).